Castel de Lausanne, quelques heures après l'attaque.
Kadog avait sut qu'il aurait quelque chose à accomplir dès le réveil de Ninog. Ils étaient rentrés tout deux, escorté par un grand nombre de gardes et tout deux montraient un calme des plus olympiens. Cependant, ce calme était faux aussi bien pour l'un que pour l'autre.
Le jeune Misnien avait eut du mal à congédier les divers gardes qui ne s'écartaient pas du périmètre de dix mètres exigé par le capitaine de la garde. Il avait finalement obtenu d'être seul avec la nouvelle Duchesse à la condition ultime d'une surveillance à la porte des appartements. Kadog s'en fichait, son attention entière était dévouée à sa fiancée.
Ninog ne se contrôlait plus, errait ci et là, criait, hurlait, brisait des objets et frappait les murs comme si elle voulait réduire le Castel en cendre de fureur mêlée au chagrin. N’écoutant que son instinct, il se rua vers elle et l'enveloppa de son corps, la serrant au plus près de lui en l'immobilisant.
Debout au centre des débris, il tachait de ne pas desserrer son étreinte et lui parlait. D'abord d'une voix calme puis de plus en plus vite et de plus en plus fort pour couvrir les sanglots déchirants.
-Ninog... ninog... Hey! Regarde moi!!! Je... Je serais toujours là pour toi, à tes côtés et pour toujours! Budo est mort oui, il faut le venger encore oui! Mais la priorité est de penser à toi, à nous! Ecoute bien! Ton père ne voulait surement pas te voir ainsi à t'arracher la chair des poings, ton frère non plus! Sois digne, garde ta colère pour les ennemis, il y en aura à débusquer crois moi! Mais pour le moment... Pour le moment... il faut... se calmer. conclu t-il à court de mots et de souffle.
Lentement et doucement, il se laissa glisser et avec lui le corps parcourut de sanglots de son aimée. Là, Kadog fut le pilier de marbre soutenant la Duchesse, la tenant toujours contre lui, il lui parla avec plus de douceur et d'amour. Point de cris, juste des paroles réconfortantes et apaisantes sur le moment.
-J'ai toujours sut que je ne régnerais pas sur la Misnie. Ma place est près de toi et qu'en disent les nobles ou pire encore ma mère, je resterais à jamais à tes côtés, je te renouvelle la promesse de mon enfance.
Campagne Lausannoise, au même moment.
-Allez! Dépêchez vous, vous traînez bande de tortues à deux pattes! Si c'est cela tout ce que vous fait un drame pareil, je n'imagine même pas votre réaction face à l’apocalypse hein!
Rugissant telle une bête sortie de sa montagne natale en quête de sang, la vieille entraînait avec elle la cohorte chargée de poursuivre les prétendus traîtres. Lors de la réplique du fermier, elle l'avait attrapée par le col puis hissé sur son cheval avant de partir sur la piste en un galop effréné.
Seul le capitaine en chef de la garde, un homme sage qui lui disait vaguement quelque chose arrivait à tenir son rythme et alpaguait ses hommes de la même façon qu'elle.
La piste se terminait à vue et aussi inquiétant qu'inhabituel, il n'y avait pas une once de poussière soulevée devant eux. Rien n'y personne n'avait semblé poser le pied ou le sabot sur ce chemin depuis au moins quatre heures. Selon la vieille et ce qu'elle avait daigné partagé avec le capitaine, si une embuscade s'était tenue et que le cerveau était fin stratège, il s'était laissé une porte de sortie et quelques hommes de secours. Sur cette logique, elle avait donc entreprit de suivre les traces des assaillants dans l'espoir de trouver leur planque et leurs camarades dans cette dernière.
-Dame... Par ici... annonça brièvement le Capitaine sachant que trop parler ne plaisait pas à l'intendante Plauenoise.
De son doigt, il désignait une entrée savamment dissimulée dans les taillis. L'ombre très fugace d'un sourire s'esquissa sur la figure de la vieille qui descendit aussitôt de cheval, laissant le pauvre laboureur perdu et tremblant sur la selle. Accompagnée du désormais familier Capitaine et des rares hommes tout juste arrivés sur leur monture essoufflée, elle entreprit une exploration de front et s’engouffra dans la minuscule interstice creusée dans la pierre et qui débouchait sur une caverne aménagée. Ce qu'ils y trouvèrent les surpris plus que ce à quoi ils s'attendaient.
Deux semaines plus tard, au Castel de Lausanne.
Réunion de crise comme on dit dans le jargon. Et quelle réunion! Le couple Grand-Ducal Misnien ainsi que sa maisonnée habituelle avait fait le déplacement, déléguant les affaires du Duché aux bons et loyaux Gotha et Chemnitz.
Dans la Grand'Salle fermée exceptionnellement au public, avaient été installées de longues tables disposées en rond assez étroitement d'ailleurs, faute aux dimensions petites de l'édifice. L'ambiance était on ne peut plus tendue, les affaires étaient importantes et même Elouan ne disait mot.
Trois jours auparavant, l'arrivée des "étrangers", des "tueurs" et des "incapables" avait suscité beaucoup de rumeurs et de critiques de la part du peuple. Elouan ne pouvait blâmer personne, le p'tit était mort en ses murs sans qu'il ne puisse y faire grand chose. Néanmoins, lors des funérailles personne ne manqua de retenue, le drame touchait chacun et les Lausannois perdaient leur dirigeant pourtant prometteur. Goulwena n'était sortie que ce jour précis et se cloîtrait depuis la mort de son aimé.
Trois jours après, la tête plus reposée et ayant estimé que la politesse dûe au deuil s'estompait, Aouregen voulait passer dans le vif du sujet. Ce fut la vieille qui brisa la glace, prenant grand soin d'appuyer son regard face à l'irlandaise.
-Notre rapport est le suivant, ces hommes ont été dupés, voués à la mort, sacrifiés si l'on peut dire ainsi. La caverne ne contenait que les cadavres empoissonnés de ceux qui restaient. Si l'on veut mon avis, la personne qui a pensé tout cela s'est jouée d'eux leur promettant mont et merveille et pour finir les a trahis pour ne pas se révéler elle même. annonça t-elle en jetant un oeil au Capitaine siégeant à sa droite.
-Il serait probable que ce soit une personne hautement placée, peut-être même dans vos familles. ajouta t-il.
Un long silence semblait s'établir à nouveau mais Elouan n'était pas du genre à faire durer les choses, caractère qu'il avait en commun avec son aimée mais il possédait tout de même un peu plus de tact semblait-il. Aussi, il se tourna vers Ninog et Kadog, qu'il savait très proches et plus encore avant de parler à son tour.
-Une enquête a été menée à Suhl, elle n'a pas encore porté ses fruits. Jusqu'à nouvel ordre de votre part Demoiselle, la présente Intendante De Plauen restera ici, puisse t-elle confondre ce chien! finit-il par rugir en réussissant à ne pas trop crier.
Deux grognements lui parvint, de chacun de ses côtés. L'un il le savait, provenait de la vieille qui rechignait à passer encore un peu plus de temps en ces terres. Elle se tenait les bras croisés et faisait grise mine pour montrer sa contestation évidente. L'autre témoignage de mécontentement le surpris plus, et il n'eut le temps que de l'identifier, elle prit la parole.
-Quand arrêteras-tu une bonne fois pour toute de jouer son jeu Elouan? demanda t-elle sans le regarder. La tension montant, d'un cran encore, elle braqua son regard sur son fils, celui qui avait renié sa famille. Et toi? Renierais-tu l'héritage si chèrement acquis par tes ancêtres? Te crois-tu au dessus des lois et des coutumes de notre pays pour te décharger aussi lâchement de tout tes devoirs? Pour qui te prends-tu enfant que tu es!
Un regard plein de colère brûlait dans les prunelles de l'irlandaise mais Kadog n'en avait cure. La glace qui se trouvait dans son regard ébranla la confiance aveugle de Aouregen, allât jusqu'à la faire vaciller. Les paroles qui suivirent achevèrent de convaincre la mère que son petit enfant avait bel et bien prit le chemin de la sagesse et s'éloignait d'elle à grand pas avide d’expériences nouvelles.
-Mère, fille de sa majesté Ronan de Douglas, Grand-Duchesse Consort de Misnie, c'est sans aucuns plaisirs que je renonce publiquement à tout mes droits d'héritages quels qu'ils soient. Jamais je ne saurais abandonner celle pour laquelle vous m'avez si brillamment promis voici de cela nombre d'années.
Vous ne pouvez savoir combien je vous remercie pour votre choix. Mais ma place est tout comme vous celle du pilier d'une personne dirigeante.