~Suhl~
A l'ouest de Plauen, l'armée avait déroulé le même plan d'attaque qu'à Weimar, mais en plus sophistiqué. Au lieu de laisser tomber le siège pour prendre part à la bataille, des équipes avaient minutieusement inspecté les environs et noté les points les plus probables d'une fuite potentielle. La proie n'allait pas s'échapper de si tôt.
C'est pourtant ce qui arriva, au moment ou Suhl ouvrit ses portes pour l'ultime combat, des groupes se postaient aux postes précédemment repérés et attendirent Ludwig de pied ferme.
Tudin faisait son possible pour se camoufler au mieux, dans ce sous bois désert, arme à la main sous la lune pleine il régnait une fausse impression de tranquillité. Pour tromper l'ennui, il pensait à sa douce épouse qui l'attendait au Castel ainsi que leur petite fille née sans lui. Son cousin allait se marier et sa mère avait rejoint l'haut delà sans un au revoir de sa part.
Alors qu'il commençait à sombrer dans le mélo-dramatique, un craquement sec le tira de ses pensées et il fit volte-face immédiatement en serrant les dents. La lune claire le rendait trop visible, même un quasi aveugle pouvait repérer la lumière se reflétant sur son plastron et son épée!
-Que disent les rapports? demanda Jestin d'un air anxieux à son aide de camp.
-Seul votre fils manque à l'appel, nous avons retrouvé ses armes mais aucunes traces de lui cependant..... le jeune se tut, conscient de sa bêtise mais repris bien vite la parole sous le regard terriblement inquisiteur de l'héritier. Hem, il semblerait avoir laissé un message... sa dague était dissimulée sous des feuilles et pointait vers le sud.
Quelques minutes de réflexion avaient été nécessaires à Jestin pour trancher. Son fils était intelligent et rusé, néanmoins cela était peut-être un piège visant à les mener à l'opposé de leur proie. Pesant le pour et le contre, il décida d'y apposer sa confiance et de croire à l'incroyable, on ne savait dire pourquoi, mais il fallait agir.
-Donne l'ordre de marche, nous partons. annonça t-il simplement, mais il ajouta aussitôt face à son aide désemparé. Dans une heure, nous irons vers le sud, à Sonneberg.
~Sonneberg~
Les armées de Havelberg et de Plauen étaient finalement arrivées aux portes de la cité qu'ils trouvèrent évidemment closes. Lorsqu'ils firent leur reconnaissance, aucunes des particularités géographiques ne permettait une fuite et les hommes d'armes décidèrent de lancer directement l'assaut.
Mal leur en pris, sur les talus renforcés faisant office de rempart apparurent deux hommes, l'un tenant l'autre coincé sous son bras, une lame plaquée sur la gorge.
Ceux qui reconnurent leur frère d'arme, petit fils du seigneur arrêtèrent les autres dans leur course folle et l'assaut fut avorté. Aussitôt, l'homme et son otage disparurent hors de vue et les officiers se réunirent pour décider de la stratégie à adopter.
Au centre du bourg, dans une taverne vidée pour l'occasion, Tudin était assis à terre contre l'un des piliers de bois, pieds et poignets liés.
-Vois-tu petit, Jikel et son fils n'auront aucunes pitié pour un rebelle ouvertement déclaré comme moi. expliquait l'homme assis à une table, jouant avec son poignard. Néanmoins, leur faiblesse est de taille, la famille est leur sang, tu es ma garantie de vie désormais. Et s'ils décident que tu n'es pas important, je pourrais toujours égorger le descendant légitime de mon vieil adversaire...
Ne l'écoutant qu'à moitié, Tudin se maudissait de son incompétence, se faire capturer par l’ennemi, quelle honte! Son œil devenu noir, les ecchymoses courant sur son corps et son bras gauche enflé dont s'écoulait les vagues de douleur en étaient la preuve. Une brume noire teintait même sa vision de temps à autre, le plongeant dans une semi-conscience.
Mais tout était clair, il devait trouver un moyen de sortir de là et les portes de la ville s'ouvriraient par la suite il le savait. Il dû attendre des heures avant que son geôlier ne baisse sa garde et quitte la pièce prétextant une visite importante.
Dans des grognements étouffés et face à la douleur, Tudin ne put faire mieux qu'user ses liens contre un clou dépassant du poteau. Par chance, la corde était vieille et il fut bientôt libre de ses mouvements. Son cœur rata un battement lorsqu'un bruit de pas se fit entendre, se reprenant assez vite, il ramassa la lame sur la table et se plaça derrière la porte, ménageant son effet de surprise.
-Ces seigneurs, quels affreux! Des preuves, toujours des preuves! S'ils n'étaient pas aussi lâches, Plauen aurait déjà rendu l'âme!
Comme si on l'avait appelé, le jeune Plauen sauta sur Ludwig et mit ses dernières forces pour plaquer l'homme contre le mur et lui enfoncer le poignard dans l'épaule, l'enfonçant jusqu'à la garde. Son bras gauche hors d'usage, Tudin fit jouer son poing droit et le montra à Ludwig, parfaite promesse des répliques pour tout ce qu'il lui avait fait endurer durant ces trois derniers jours.
-Nous... avons des comptes... à régler! réussit à dire le jeune presque à bout de souffle, une vive douleur palpitant dans sa tête.
Au loin, on entendait les bruits de rage, de cliquetis et de sonnerie de charge significatifs d'une bataille. Souriant intérieurement, Tudin fut soulagé et se relâcha enfin. Saisissant un bout de vêtement de Ludwig, il tomba et demeura inconscient, serrant étroitement dans sa main l'objet de leur quête. Plus aucune fuite n'était possible à Bergmann.
Une fois à l’intérieur, l'armée alliée pratiqua la fouille habituelle des prises de guerre. Les soldats suivis de prêt à Jestin lui même, eurent l'effet de surprise peint sur leur visage. L'estime protée à Tudin grimpa en flèche alors qu'on évaluait ses blessures et qu'on le transportait sur une civière.