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[Krystof]

Pusieurs messagers chevauchèrent aux quatre coins afin de visiter toutes les seigneureries, et de porter la nouvelle ainsi rédigée:

 

 

De nous, Tenenan d'Olargues, Seigneur d'Olargues, fils de feu Robin d'Olargues, aux Seigneurs de ce monde bâti par la volonté de Dieu.

 

Mes cinq fils ayant rejoint le Très Haut, et ma femme, en sa peine, les y a retrouvé. Nous voilà donc sans héritier direct.

Nous désirons, en seconde noce, épouser une de vos filles, qui saura combler le grand vide qu'est le notre en ce jour. Vu nostre âge, nous ne saurions exiger qu'ycelle ait encore conservé son innoncence. Mais nostre grand espoir réside en ses grandes largesses à nous donner un fils. Et par ce don recouvert de la grâsce de Dieu, nos familles réciproques uniront leur sang et leur rang.

 

Faict en castel d'Olargues, le 16e jour du premier mois de l'An 1129.

 

Tenenan avait pleinement confiance en ses neveux pour prendre la relève le jour où il serait amené à rejoindre les siens, mais sa fierté d'Olargues lui intimait de confier ses terres et titres à un fils... Un Olargues, troisième du nom. Il s'empara du tisonnier, agitant les braises et les flammes, espérant un jour confier tout cela à un fils...

 

[Krystof]

C'est ainsi que le Seigneur Tenenan épousa Ruvona de Plauen. Certes elle était moins jeune que ce qu'il avait escompté, mais encore séduisante, et surtout en âge de faire des enfants. Ruvona fut accueillie comme il se doit, présentée à la famille d'Olargues. Si certains recevèrent cette union comme une bénédiction pour la famille, d'autres s'inquiétait du destin qui semblait s'être dessiné à la mort des fils du Seigneur. Judikael, le frère de Tenenan, craignait en effet cette union qui risquait d'écarter sa progéniture de l'héritage de la Seigneurie. Tenenan connaissait les prétentions de son frère, et il savait qu'il devrait user de toute sa diplomatie pour ne pas aviver diverses rancoeurs.

 

Ruvona, je vous présente mon frère Judikael... Il peut vous paraître un peu bourru sous son air maussade, mais j'ai pour lui une grande estime... D'ailleurs Judikaël, tes fils sont-ils prêts, car je compte confier la commandement de la milice à Evy, j'ai toujours pensé qu'il serait homme à prendre de telles responsabilités. Qu'en dis-tu ?

 

Judikaël ne su cacher sa surprise à cette déclaration, mais se ressaisit bien vite avant de répondre.

 

Tu connais Evy aussi bien que moi je pense, et je partage ton jugement à son sujet.

 

Se tournant vers Ruvona, il ajouta:

 

Je vous souhaite la bienvenue, dame Ruvona de Plauen, et souhaite que le soleil qui illumine nos contrées sache vous séduire autant que mon frère.

 

Par respect, Ruvona inclina légèrement la tête, certie d'un sourire de convenance dont les femmes expérimentées ont le secret, puis elle pressa légèrement le bras de son époux pour que ce dernier la conduise vers d'autres horizons.

 

Tu nous excuses, Judikael, mais j'ai encore tellement de monde à présenterà mon épouse...

 

Et le Seigneur d'Olargues pris congés de son frère.

[Krystof]

C'est le 1er novembre de l'an 1444 que Tenenan d'Olargues s'éteignit, laissant derrière lui une veuve, Ruvona de Plauen, esseulée au sein de la famille Olargues, mais sur qui chacun comptait pour que le jeune Gaël, promu alors chef de famille, puisse atteindre sa quinzième année, et ainsi régner aussi longtemps que son père.

 

Gaël ! Gaël ! s'époumonait Ruvona.

 

Gaël ne cessait de courir sur les remparts de la cité d'Olargues. Il s'imaginait, du haut de ses huit printemps, donner des ordres aux soldtats qu'il croisait pour que ces derniers repoussent l'assaillant. De l'union d'un Olargues vieillissant, désireux d'avoir un fils pour lui succéder, avec une Plauen, naquit un tumultueux et fougueux gamin dont l'autoritaire paternel avait toujours couvert les facéties. Ruvona n'avait pourtant cessé d'implorer son mari de remédier à cela, mais le père encourageait la fougue de son fils en ne cessant de lui narrer les guerres passées.

 

Peut-être Judikaël, secrêtement, rêvait que se fils prodige ne glisse du haut du rempart, à s'en rompre le cou. Ainsi il pourrait peut-être marier un de ses petit-fils avec la jeune Trifin, fille de Tenenan et de Ruvona. Mais lui seul conservait ses pensées sur la question, qu'il aurait été bien habile de déceler devant les encouragements qu'il manifestait à voir ainsi le jeune Judikaël guerroyer quelques chimères.