Nuit du 19 au 20 Novembre 1284, centre-bourg de Como
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Nevenoe terminait d'inspecter sa taverne tout en parlant avec son dernier client du temps et des récoltes. Il faisait froid, la nuit était déjà bien avancée et il lui tardait de retrouver son lit, son épouse et ses enfants. Vérifiant qu'aucuns poivrot ne squattait le sol dans un coin, il éclairait l'ensemble de sa lampe et finit par être convaincu que sa petite entreprise ne connaîtrait pas de crise durant son absence. En poussant un bâillement à s'en décocher la mâchoire, il posa sa lampe sur le crochet derrière la porte à l’intérieur et souffla dessus sans regarder, première erreur. Puis il sortit avec l'autre homme, ferma la porte d'un coup sec accentué par la fatigue et tourna la clef avant de partir d'un bon pas sans attendre, seconde erreur...
-Dis Nev', rentre bien vite chez toi, la nuit sera terrible, je le sens dans tout mon être! annonça l'homme qui l'accompagnait en le saluant.
-Ne t'inquiète pas, je suis pas loin, il n'y a pas de quoi s’inquiéter!
La lampe qui n'était pas plus éteinte que la Méditerranée n'était asséchée, avait été projetée au sol pas très propre et jonché de toutes sortes de choses. S'en suivit un rapide mur de flamme avide et affamé qui commençait déjà à lécher les murs et les poutres. Les fenêtres crasseuses ne laissant passer qu'un léger miroitement et complices des flammes, cachaient un peu ce qui se passait à l’intérieur.
Au Castel, dans un tout autre contexte, chacun était dans ses appartements depuis quelques heures déjà et même si certains insomniaques ne voyageaient pas chez Morphée, la grande majorité dormait paisiblement. Brieg faisait partie de ces insomniaques et pour ne pas énerver son épouse, il s'était retiré dans la grand'salle plongée dans la pénombre. Lisant un livre à la lueur du feu de cheminée, il fut surpris et sursauta violemment à l'arrivée tonitruante du Héraut d'arme, à la fois gesticulant et hurlant à la mort.
-Mon seigneur!!! Oh mon Dieu!!! Vennez! Venez! Il faut sonner le Toscin d'urgence!!! Argh!!! rugit-il ne savant plus quoi dire... Puis devant l'air décontenancé du futur Duc, il ajouta faiblement d'une voix aiguë et éraillée. Un incendie Sire, il ravage Como en ce moment même...
Réaction immédiate de Brieg qui bondit de sa place en un "-QUOI???!!!". En un temps record, il évalua la tournure de l’événement plus bas par la fenêtre et fut dans le hall ou chacun se rassemblait à peine réveillé par les cris du Héraut et le murmure de ceux plus lointains de la population. Il prit un mantel et l'enfila tout en donnant ses ordres et ses instructions aux présents, réflexe typique de l'aventurier, prendre la tête de l'opération tout bêtement.
-Qu'on rassemble la garde, que chaque homme ou femme s'en sentant capable nous accompagne et vite! Il ne faut surtout pas perdre de temps. Les blessé seront emmenés dans la grand'salle pour y être soignés, les autres seront dispersés dans les pièces du Castel, Mevena, ma douce, je te laisse le soin d'en organiser les détails. dit-il à tous et à son épouse qu'il apercevait en haut de l'escalier.
Il nous faut des contenants et de l'eau en quantité, la rivière sera assez grande mais il nous faudra faire un acheminement. Qu'on appelle donc les gardes nom de Zeus! Je ne veux pas avoir à me répéter!!! beugla t-il une nouvelle fois, reconnaissant son père parmi toutes les têtes il décida de prendre les devants.
Père, je veux que vous restiez ici pour soigner et gèrer le tout avec Mevena, sauf votre respect, vous avez plus votre place ici que dehors.
Après un rapide hochement de tête du Duc toujours droit comme un I sans canne ni maitiens, Brieg fit un tour sur lui même, vit le chef de la garde et en inspirant à fond, lança sa dernière phrase la rage d'agir au ventre:
-On y va! Seules les charrettes et le matériel ont besoin de chevaux, allons y à pied et vite!!!
On vit alors le plus grand et le plus impressionnant mouvement de toute la Lombardie. Durant cette catastrophe, les nobles et la famille Ducale dévalèrent la légère pente reliant le Castel à la ville et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ils furent sur les lieux. Ils furent paralysés par la visions et eurent du mal à se rapeller ou ils étaient et dans quelles circonstances tant ce qu'ils voyaient relevaient de l'impossible.
La voix tonitruante de Brieg les ramena à la raison et leur donna à chacun quelque chose à faire. Une précision militaire qui fut la bienvenue dans ce désastre et elle permit sans aucuns doute de sauver des milliers de vies. Les cris des habitants étaient à se percer le cœur, les enfants pleuraient et les adultes paniquaient, la foule poussait quiconque se trouvait sur son passage, pour éviter de se roussir la peau.
-Budig, Pleury et Riwalon, allez à l'Est avec une dizaine de gardes, évacuez tout ce que vous pouvez! Aourel, Maelys, Maze et Killian, à l'ouest! C'est ainsi que chacun en groupes évoluèrent dans les flammes, les gaz et les cris, tentant de sauver ce qui pouvait l'être.
De son côté, Mahé, gendre de Brieg faisait équipe avec celui ci et d'autres gardes. Chaque maison était inspectée de l’extérieur et les bruits écoutés autant qu'ils pouvaient l'être pour essayer de déterminer s'il y avait encore de la vie dans le brasier. Respirant difficilement, la main sur leur bouche et leur nez, il avançaient infatigablement quand soudain, l'imposante structure devant eux s'écroula à moitié dans un déluge de pleurs.
La façade de la maison s'était couchée au sol, dévoilant trois jeunes enfants à l'étage, entourés des flammes. Réaction bête et troisième erreur de cette histoire, Brieg n'écouta que son instinct et bondit vers la demeure, suivit de près par son gendre qui lui criait dessus.
-Il faut qu'ils sautent, nous allons périr si nous entrons par le bas!
Mais la voix de la raison n'arriva jamais à l'esprit de l'héritier. C'est donc nos deux hommes qui bravèrent le feu puisque Mahé ne pouvait se résigner à abandonner son beau-père. Ils se retrouvèrent ainsi bientôt aux côtés des enfants qui n'avaient même pas la dizaine d'âge. Sans se préoccuper du reste, Brieg en prit un sous son bras et un sur son épaule tandis que Mahé prenait l'autre. Mais il n'en eut pas le temps car une poutre céda dans un craquement horrible, se divisa en une multitude de pieux acérés et enflammés, fonçant tout droit sur eux. Un coup de pied puissant leur évita à Mahé et au gamin de finir en brochette, cependant, la jambe de Brieg eut moins de chance et c'est horrifié que l'Ecossais regardait les quatre pieux plantés dans la chair.
Un grognement de douleur simple et courtois monta de Brieg qui voulait tout dire "Grouillons nous de sortir avant de mourir ici!!!" Et les voici à chercher une issue possible avec les enfants sur le dos. Soudain, ils n'en eurent plus besoin puisqu'un bruit assourdissant leur parvint derrière eux et ils furent projetés avec les enfants de l'étage jusque dans la rue, inconscients, aux pieds des soldats qui s'empressèrent de les relever et de les évacuer.
De cette catastrophe, on retiendra le dramatique puisque sur les 7700 habitants de la capitale, 537 perdirent la vie dans les flammes, renforts inclus. On retiendra la tristesse infinie de Jaoven face à la perte de son peuple, la peur irrationnelle d'Euphénie son épouse et la réaction mémorable de Mevenen qui vit arriver son père à la jambe de gruyère et son époux sérieusement brulé sur la partie droite de son visage et de son torse.
Personne ne dormit cette nuit là, ni la nuit d'après tant les décombres de la ville étaient fumants. Presque la moitié fut rasée avant de pouvoir maîtriser le feu et une bonne partie dû être démoli pour des raisons de sécurité. Durant les trois mois suivant l’événement, on rendit hommage aux victimes tandis que les rescapés étaient logés sans exception par le Duc et les seigneuries voisines.