"Ligote tes sentiments d'une formule, emprisonne ta douleur d'une ceinture, le loup qui ne montre jamais son sang, par l'autre loup sera laissé vivant..." Otto Manninen
On a beau dire, la Germanie n'était pas le pays le plus chaud d'Europe. Il n'en était pas pour autant le pays le plus froid. Plus loin, plus haut dans le nord se trouvait les terres de glaces. Qui pouvaient avoir idée d'y vivre? Des fous, des rebuts de la société, des démons... ceux que l'on devrait anéantir. Mais tout ceci était bien loin des préoccupations de Peran. La famille Bremen était une famille ancienne. Une famille puissante, une famille ancrée depuis bien longtemps sur son territoire. La Saxe... Douce Saxe, cœur de la Germanie quoiqu'on l'en dises. Elle s'était étendue. Depuis plusieurs générations, des guerres avaient lieu. Des seigneuries voisines étaient tombées. Des terres bien plus éloignées, dans d'autres contrées étaient arrivées dans le giron du Duc de Saxe. Un Duc qui aujourd'hui était bien incapable d'expliquer comment une seigneurie de la péninsule ibérique était arrivée en sa possession. Son incapacité allait même à s'occuper de la seigneurie! Certes, la famille Bremen était bien assez grande pour que des cousins éloignées s'en occupent, envoient les taxes et tout ce qui était nécessaire. Mais de là à faire parvenir les plans de quelques nouvelles technologies, d'y investir du temps et de l'argent. C'était hors de ses capacités actuelles. Un jour peut-être, Mourente deviendrais une seigneurie à la hauteur des forts Saxons. Un jour, mais il y avait peu de chance pour qu'il le voit de ses propres yeux.
Mais il se perdait dans ses pensées. Autour de lui, ses différents généraux. Des membres de sa famille, dont le lien de sang pouvait paraître évident aux yeux d'un homme, mais pour lequel un généalogiste devrait travailler de nombreuses années pour en apporter une preuve. Ces hommes étaient endurcis. Il n'y avait pas besoin de guerres pour les endurcir. Leur pays suffisait à en faire des hommes de valeurs. Des hommes avec du charisme, qui savaient comment attirer des diamants bruts autour d'eux. Combien de ces diamants faisaient partie des armées ducales? Ou devrait-il dire "multiducale"? Aujourd'hui, on pouvait dire plus de 3000. Mais demain? Peut-être plus de 4000. 4000 hommes dispersés, peut-être pour un temps, mais près à se retrouver quand le temps sera nécessaire. Près à se mettre en marche lorsque leur Duc les y conviera. Ce ne seront pas des enfants de cœurs. La famille Bremen savait comment se faire respecter. Et elle saurait soutenir ses vrais alliés, ses suzerains, ses vassaux.
Quelques déplacements de troupes étaient organisés chaque jour, pour rappeler que la famille Ducale ne laissait pas ses terres sans protection, que ses troupes ne dormaient pas. Qui pouvait dire quand une attaque de brigand allait avoir lieu? Si c'était ce qui avait le plus de chances d'arriver, il y avait aussi une félonie, ou une déclaration de guerre. Cela aussi pouvait avoir lieu. Il fallait s'y tenir près. Près à revêtir l'armure et à partir sur le champs de bataille. Son fils et héritier à ses côtés. Le sang de son sang. Il était jeune, et n'avait pas connu de guerre. Mais il saurait prendre les rennes de la famille si un jour cela se révélait nécessaire. Pour lui-même, le Duc espérait que ce soit le plus tard possible. Mais qui savait ce que demain serait fait?
Transférez quelques régiments d'arquebusiers sur nos terres du Sud. La menace risque de venir de là. Le Roi d'Ecosse ne m'a pas apporté de nouvelles, mais le Portugal semble être un pays de tension. Faites envoyer une estafette à Mourente. Qu'ils s'organisent et se préparent à une évacuation. Je préfère perdre cette terre de sable plutôt que les hommes qui s'y trouvent.
La déclaration venait de clore un conseil qui avait lieu depuis plus de deux heures. Il était temps de vaquer à ses activités. Il avait encore des choses à faire, des conseils économiques, des divertissements à organiser, des mariages à orchestrer, des lettres à rédiger. Le temps d'une journée ne suffirait pas. Il faudra prier pour qu'aucun hache ne vienne se planter au pied des remparts de sa ville.
