Sous la lumière vacillante d’une chandelle, le jeune duc de la Marche apposa son sceau sur le parchemin, scellant ainsi le mariage de sa lointaine cousine, la belle Mariana, avec le comte de Faro. Une première, sa famille n’ayant jamais été liée auparavant avec des lusitaniens. Enfin, jamais avec des lusitaniens de souche, puisque les alliances avaient été nombreuses avec la famille royale du Portugal, également duc d’Anjou, et plus récemment, de Bretagne. Faro. Arzhul ne saurait même pas dire si le comté se situe dans le nord ou le sud du Portugal. Une alliance certainement sans lendemain, tant l’éloignement des deux familles rendait peu probable l’intervention de l’une dans les affaires de l’autre. Et pourtant, ce genre d’alliances se multipliait, car si le gain diplomatique était minime, il n’était pas nul pour autant. Dans un monde où les grandes familles étaient moins nombreuses, mais bien plus puissantes qu’auparavant, un rien pouvait faire la bascule.
Son père, décédé prématurément l’année précédente, l’avait entouré des meilleurs précepteurs disponibles, quand il ne lui consacrait pas une partie de son précieux temps à l’instruire en personne. La gestion, la politique, la stratégie, le maniement des armes, mais aussi le latin, les manières et l’histoire de la famille, avaient été inculqué à Arzhul dès le plus jeune âge, comme il convenait à un futur duc, héritier de la plus ancienne famille ducale française. Un titre que ses ancêtres avaient acquis eux-mêmes, usant de la diplomatie, et dans de rares cas de l’usage des armes, à une époque plus trouble qu’aujourd’hui. Une époque où celle qui allait devenir la première famille royale de France n’avait pas encore ceint la couronne, où le sud était troublé par des rivalités qui débouchèrent sur des guerres sanglantes. Une époque que les ducs de la Marche traversèrent, avec des hauts et des bas, mais globalement, parvient à renforcer ses positions dans la région, et à devenir une puissance sur laquelle compter, et qui pourtant failli bel et bien disparaître à cause d’une faible fécondité et d’une très importante mortalité infantile.
Arzhul soupira. C’est la prise de conscience un siècle auparavant qui sauva les siens du néant, multipliant les démarches auprès des autres maisons pour accueillir en son sein de jeunes nobles qui seraient les parents des futures générations, et qui permit à la famille de croître de façon exponentielle de telle sorte qu’aujourd’hui, la recherche de parties convenables pour les parents en âge de se marier prenait la majeure partie de son temps. A 17 ans, il ne rêvait que de gloire, mais passait son temps à régler des unions matrimoniales.
