Gwendal regardait l'activité du domaine, de la plus haute fenêtre du donjon. Partout où se portait son regard, les gens s'activaient, les murs montaient,les ouvriers travaillaient.
Il entendit ou plutôt ressentit par les vibrations du plancher des pas rapides qui montaient l'escalier, des coups retentir sur la porte de son bureau.
"Père, c'est moi, je suis avec Vintus, il veut te montrer les plans de future muraille."
"Entrez", répondit le vieux seigneur.
Son fils Derog entra dans la pièce, massif et énergique, il avait un charisme indéniable. Il s’effaça néanmoins devant le petit homme qui le suivait. Vintus était l'intendant du chateau, il servait aussi d'architecte et organisait la plupart des constructions techniques de la seigneurie.
Gwendal et lui se connaissaient depuis prêt de cinquante ans et un respect mutuel les liaient. Le Seigneur fit de la place sur son bureau, que l'homme puisse déployer ses cartes et plans.
"Seigneur, le vent de la guerre souffle, autour de nous, les alliances et ambitions naissent. Nous devrions nous préparer."
Gwendal ne dit rien et encouragea Vintus à continuer d'un hochement de tête.
'J'ai là les plans d'agrandissement de l'armurerie. Grâce à ces changement, nous aurons bientôt de quoi armer une troupe permanente. Il faut prévoir des baraquements, mais nous avons de la place à l'est. De plus, le travail sur la muraille a commencé, nous étudions les fondations, ça devrait commencer à monter dans l'année."
En guise de réponse, Gwendal s'avança vers la fenêtre étroite. Il invita d'un geste Vintus et Derog à regarder dehors.
"Dites moi, que voyez vous ?"
Derog prit la parole.
"Pas mal de gens arrivent des routes du nord et de l'ouest, mais ça se passe bien, on construit des habitations et on met les gens au travail, aux champs, aux mines et certains commencent à ouvrir des commerces."
C'est ça, fils, reprit Gwendal. C'est eux notre seule richesse. Nous devons accueillir et permettre à ces gens de se développer. Vintus, je veux que vous travailliez sur des projets plus ambitieux. Je veux que vous trouviez les meilleurs éléments parmi ses gens et que vous formiez des ingénieurs, des constructeurs, des scribes et des agriculteurs.
Quand nous aurons les infrastructures qui leur assurera une bonne vie, notre famille pourra prospérer et s'enrichir. Alors nous verrons si le vent de la guerre est sur nous. Mais pour l'instant, nous vivons l'age des maçons ! C'est le marteau et la fourche que je veux voir employé, avant l'épée.
Derog acquiesa, visiblement déçu mais acceptant la parole paternelle. Vintus hocha la tête de même et revint vers le bureau.
J'ai amené plusieurs lettres, Seigneur. Des voisins et d'autres, plus lointains, qui souhaitent votre alliance.
Laisse-les là, dit le seigneur. Nous leur répondrons individuellement, comme il se doit. Néanmoins, je ne promettrai ma foi et celle de ma famille à personne pour l'instant. Les choses vont trop vite. Les Seigneurs parlent, les plus ambitieux chantent, mais les paroles sont du vent. Qui est honorable, qui est brave, qui est fidèle ? Qui sera un menteur, un traître, un voleur ? Personne ne peut répondre à ça. Des preuves doivent être amenées, les actes vont foi. Alors le nom de Komarom choisira ses alliés et ennemis.
Tu veux t'en occuper Derog ? Tu seras amené à les connaître et tu dois lire en eux. Réponds à leur contact, avec prudence et droiture.
Derog se redressa, fier de la confiance que son père indiquait.
Bien père, je m'en occupe. Il ramassa les lettres et sorti de la pièce.
Vintus resta un moment au coté du seigneur. Il finit par prendre la parole avec une sincère émotion dans la voix.
Si je peux me permettre mon Seigneur, je pense et j'espère que votre nom restera ainsi dans l'histoire : Gwendal le sage de Komarom.
Le vieux seigneur approcha et saisit l'homme par l'épaule, en un signe complice, presque fraternel.
Nous nous connaissons depuis toujours mon vieil ami, et sommes comme des frères. Cela dit, tu te trompes. Je disparaîtrai et Gwendal sera oublié, sage ou pas. Par contre, le nom de Komarom doit survivre et persister. C'est bien pour cela qu'il ne me revient pas de briller dans les alliances et conquêtes dont rêve Derog, je suis le maçon, je met en place les fondations de la seigneurie, pour qu'elle vive et croisse dans les centaines d'années à venir.
Viens avec moi maintenant, on m'a parlé d'un grenier, je souhaite voir comment fonctionnent les redistributions.
Les deux vieux hommes descendirent ensemble les marches du donjon, discutant, et se promenèrent dans les rues grouillantes de vie de la cité naissante.
